Le sable, omniprésent dans notre quotidien, est victime du pillage d’une industrie colossale, toujours plus vorace.

Peu d’entre nous s’en rendent compte mais le sable arrive en troisième position des ressources les plus utilisées, après l’air et l’eau.
Il représente environ 200 usages quotidiens, allant de la filtration de l’eau à la fabrication de microprocesseurs entrant dans la composition de nos produits de haute technologie. Le sable est aussi transformé en verre, c’est d’ailleurs l’une des principales utilisations.
À côté de ces domaines assez évidents, le sable se cache aussi dans des produits beaucoup plus inattendus : parce qu’il est source de dioxyde de silicium, on en trouve ainsi dans le vin, le papier, le dentifrice et des milliers d’autres choses.
On se sert aussi du sable pour construire des avions puisqu’il entre dans la composition du plastique des réacteurs, de la peinture ou encore des pneus.
LE BÂTIMENT, GROS CONSOMMATEUR DE SABLE
Là où le sable est vital, c’est bien pour le secteur du bâtiment. Avec les granulats, il forme la matière première du béton que l’on trouve dans quasiment tout type de construction.
Parce que son coût de production est relativement bas, et qu’il présente des qualités inégalables, le béton armé est le matériau dominant à l’échelle planétaire. Or il est composé de 2/3 de sable et de 1/3 de ciment… Le sable est donc présent dans les 2/3 des constructions du monde entier.
Outre le bâtiment, le secteur public est lui aussi très friand du sable puisqu’il en a besoin pour construire ses routes par exemple.

COMBIEN DE SABLE ?
- Dans le monde, en utilise 15 milliards de tonnes de sable par an.
- À part l’eau, aucune ressource n’est exploitée à ce point.
- On extrait 75 millions de tonnes de sable marin des plages du monde entier.
- Pour construire un hôpital, ce sont 000 tonnes de sablequi sont utilisées.
- Pour construire une autoroute, 000 tonnes de sablesont englouties à chaque kilomètre et 12 millions de tonnes pour une centrale nucléaire !
L’EXTRACTION DU SABLE PROVOQUE DES DÉSÉQUILIBRES
Or le sable est une ressource non renouvelable. Pendant des années, le sable provenait de carrières qui s’épuisent. Face à ce constat et au besoin de s’approvisionner en cette ressource, on a décidé d’exploiter celui les rivières.
Mais cela a eu deux conséquences catastrophiques pour l’environnement : d’une part, l’extraction du sable provoque des crues ; d’autre part, lorsqu’on décide d’extraire du sable des rivières, on empêche le remblai naturel des plages. En effet, le sable présent sur les plages provient de roches situées parfois à des milliers de kilomètres. Il est charrié par les rivières et les fleuves jusqu’à son arrivée dans les mers et les océans.
Le dernier endroit où trouver du sable est donc au fond de la mer. Pour aller chercher le sable au fond des océans, les industriels font intervenir d’immenses navires spécialisés capables d’extraire et emporter jusqu’à 400.000m³ de sable par jour. Ce pillage des fonds marins entraîne de graves conséquences sur l’environnement.
Quand les dragues viennent pomper le sable au fond de l’eau, elles engloutissent une matière qui a mis des dizaines voire des centaines de milliers d’années à se constituer.

LA BIODIVERSITÉ EN DANGER
L’exploitation des fonds marins représente une catastrophe pour tous les organismes vivants. La destruction de l’habitat naturel des organismes situés au plus bas de la chaîne alimentaire entraîne leur disparition, ce qui affecte tous les maillons situés au-dessus. Tous les poissonsmeurent faute de nourriture : c’est donc la survie de toutes les espèces qui dépend du sable.
La biodiversité est menacée, engendrant des conséquences directes sur les hommes. Ainsi en Indonésie par exemple, de nombreuses familles vivent de la pêche. En effet, 92 % du poisson consommé là-bas provient de la pêche artisanale. Avec la destruction des fonds marins, ce sont les ressources de milliers de familles qui sont elles aussi détruites.
L’Indonésie souffre de l’appétit de son voisin Singapour. La cité-État s’est agrandie de 130 km² sur la mer, ces quarante dernières années. Ceci en achetant des milliards de tonnes de sable à l’Indonésie, avec des conséquences irréversibles sur la région. Ainsi, 25 îles de l’archipel indonésien ont été tout bonnement rayées de la carte à cause de cette prédation en sable de Singapour.
En exploitant à outrance le sable, c’est tout l’équilibre naturel qui est perturbé. Le pompage du sable marin crée un vide que la nature comble rapidement par les actions combinées du vent et des vagues. C’est alors le sable des plages et des îles voisines qui vient boucher les gigantesques trous. On assiste à un phénomène global d’érosion des plages : 75 à 90 % des plages du monde reculent, avec une tendance qui s’accélère. En Floride par exemple, 9 plages sur 10 sont en voie de disparition. Parfois, ce sont même des îles entières qui disparaissent.
LA FOLIE DE LA DEMANDE DE SABLE
Aux Pays-Bas, on a gagné du terrain sur la mer en construisant des digues, qui doivent être constamment renforcées et surélevées pour éviter les inondations. 12 millions de m3 de sable sont déposés chaque année sur les plages et au large des côtes.
Marché énorme, l’industrie du granulat se porte comme un charme. Et pour cause : on aura toujours besoin de construire des bâtiments et des routes. La demande de sable ne cesse de croître. Parfois, c’est pour assouvir les pires excentricités !
DUBAÏ ET SES EXCENTRICITÉS
Dubaï est connu pour ses excentricités architecturales : toujours plus grand, toujours plus haut, toujours plus cher, Dubaï ne s’impose aucune limite en matière de construction. Pas même la mer. Au début des années 2000, l’Émirat se lance dans la folie « Palm Islands ». Parce qu’à cause des spéculations, il coûterait moins cher au pays de construire une île artificielle plutôt que d’acheter des terrains, Dubaï investira plus de 12 milliards de dollars et consommera 150 millions de tonnes de sable pour construire son archipel.
Les Palm Islands de Dubai © MarekKijevski / Shutterstock.com
Insatiable, Dubaï part en 2003, à la conquête du monde via son autre grand projet, « The World », un ensemble de 300 îles artificielles représentant la carte du monde. Bilan : 14 milliards de dollars et plus de 500 millions de tonnes de sable pour un projet qui s’arrêtera brusquement en 2008 à cause de la crise économique.
LE SABLE AU COEUR DES ÉCHANGES INTERNATIONAUX
On pourrait présumer que tout le sable utilisé provient des déserts tout proches. En fait il n’en est rien. Car il est impossible de construire une île artificielle avec du sable du désert. Il existe en effet différents types de sables. Selon leur provenance, ils ne présentent pas les mêmes propriétés. Ainsi, les grains qui constituent le sable du désert sont tout ronds et lisses du fait de l’action du vent qui rend de cette manière impossible toute agrégation. Le sable, pour être exploité dans une construction, doit présenter des angles afin de pouvoir s’agglomérer. D’où l’utilisation et la surexploitation du sable marin pour la construction, qui n’est en rien une ressource durable.
Les Émirats ayant largement épuisé leurs stocks, se voient contraints à importer du sable. Cela a été le cas pour Dubaï qui a importé son sable d’Australie afin d’ériger sa Burj Kalifa, devenue la plus grande tour du monde. L’exportation de sable aux pays du Moyen Orient rapporte à l’Australie 5 milliards de dollars par an.
De façon générale, l’industrie du sable brasse des milliards de dollars. Le marché est tellement gigantesque qu’il est gangrené par une véritable mafia.
LE SABLE, UNE RESSOURCE VICTIME DE TRAFICS
Qui dit surexploitation du sable dit raréfaction et donc prix qui augmentent. Cette surenchère a donné naissance à une mafia du sable, qui sévit particulièrement en Asie.
LA MAFIA DU SABLE
Le continent asiatique vit un rythme de construction vertigineux. La demande en sable y est tellement forte qu’elle a engendré un énorme trafic. Ainsi en Inde, la mafia du sable est extrêmement puissante. C’est elle qui contrôle tout le secteur de la construction. Chaque année, 2 milliards de tonnes de sable sont exploités illégalement dans le pays pour alimenter le boom de la construction immobilière.
Singapour qui poursuit sa frénésie importerait illégalement du sable des pays voisins comme le Cambodge, le Vietnam, la Malaisie et bien sûr l’Indonésie. Ceux-ci, conscients de l’impact catastrophique de l’exploitation du sable de leurs plages ont officiellement stoppé les échanges. Pourtant, Singapour continue son trafic au travers de dealers et de sociétés fictives, avec la complicité de l’État.
Bien sûr, ce phénomène ne s’arrête pas aux frontières asiatiques. Le problème est mondial : les mafias viennent voler du sable partout. Le pillage du sable touche tous les pays du monde, sur tous les continents.
Au Maroc par exemple, la demande de construction explose. Le pays est devenu l’Eldorado des retraités et est depuis longtemps une destination privilégiée des vacanciers. Et il faut bien loger tout ce petit monde. Aujourd’hui, on estime que 40 % du sable a été volé sur les plages marocaines. De plus, ce sable est bien souvent mal lavé. Il n’est donc pas débarrassé du sodium présent dans l’eau de mer, ce qui rend les constructions vulnérables à la corrosion.
PROTÉGER LE SABLE
L’exploitation des ressources fait l’objet d’actions, d’ordre politique ou privé. On le voit pour l’eau par exemple, même si le chemin est encore long. En revanche, la question du sable n’est jamais à l’ordre du jour chez les plus hautes instances. Pourtant, il est plus qu’urgent de changer nos méthodes de construction afin de nous passer du sable.
D’autant plus que des alternatives existent déjà : la paille, le bois, les matériaux recyclés… On a même découvert que le verre, pouvait être à nouveau transformé en sable. Cette piste serait plus qu’intéressante à exploiter pour la construction, d’autant plus qu’¼ du verre jeté n’est jamais recyclé.
Rédigé par Annabelle, le 27 Dec 2016, à 7 h 15 min
https://www.consoglobe.com/le-sable-une-ressource-en-voie-de-disparition-cg/4
Le sable, enquête sur une disparition, un film de Denis Delestrac
http://www.informactionfilms.com/pdf/le-sable-enquete-sur-une-disparition_fr2.pdf